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« Zéro », le choix du spectacle…

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Synopsis :

Amine Bertale, alias « ZERO« , est un petit flic qui passe la majorité de son temps à recevoir des dépositions de plaignants, et à arpenter les rues de Casablanca avec Mimi, une jeune prostituée de 22 ans. Il est en perpétuelle confrontation avec son père handicapé et dominant et son supérieur, un commissaire qui l’humilie quotidiennement. Face à ce quotidien dégradant et insupportable, ZERO décide finalement de tourner la page d’un passé hanté par la lâcheté, la peur et le complexe d’infériorité, il part alors à la recherche d’une jeune fille disparue dans la grande métropole. Entamant ainsi sa croisade contre un univers dur et impitoyable perverti par l’argent et le pouvoir.

Après le succès haletant de « Casanegra », premier volet de la trilogie urbaine de Lakhmari, on attendait la suite jeudi matin au Palais des Congrès de Marrakech ! La salle était archi-comble, et malgré le petit incident d’une alarme d’évacuation, on était beaucoup à ne pas vouloir quitter nos sièges… On a eu raison, puisqu’au final nombreux étaient ceux qui s’étaient foutus par terre par manque de places, sous le regard impuissant des vigiles qui ont du laisser faire. Plus qu’un film en compétition au FIFM, c’était l’événement que tout le monde attendait. Pourquoi ? Probablement parce que nous avons été fidélisés avec « Casanegra » en 2008 à un nouveau genre dans le paysage cinématographique marocain : le film de spectacle d’une certaine qualité. Défi que Lakhmari et son équipe se sont courageusement fixé, et qui est relevé.

Le risque maintenant avec ce genre de films, dont le parti pris tend à tellement « cinématographiser »ce qui est supposé être la réalité brute des rues de K-ZA, est qu’il peut très vite amener à  décrocher quand le dosage du superficiel n’est pas assez prudent avec le spectateur. Malgré un scénario construit, une intrigue bien placée, et des moyens visuels et sonores bien maitrisés… je continue de trouver que ce qui sauve, ou anéanti l’audace d’un film à certains moments, c’est bien sur ses personnages. Ou plutôt, le pont établi entre eux et nous, pour qu’on puisse être transportés.

Et là, quand ça foire, ça ne pardonne pas et ébranle tout ce qui marchait ! Vu la belle troupe de personnages tout à fait intéressants et atypiques qui ont été proposés, et nos comédiens qui se sont prêtés à un genre risqué, ce qui est vraiment regrettable, c’est qu’on en arrive à violemment en vouloir au responsable quel qu’il soit, quand on nous sert un personnage aussi creux, cliché, et forcé quest celui de l’inaccessible bourgeoise francisée… Le Dr.Amor (Sonia Okacha) était installée à l’image de la « classique » rencontre du héro ZÉRO (Younes Bouab), celle qui préparera le cœur de ce flic ripoux à accueillir un début de rédemption. Malgré sa sincère implication dans le rôle, on doit avouer que la belle comédienne a eu la rude tache d’interpréter un personnage qui, tel qu’il était construit, était probablement perdu d’avance : Se sentaient-ils obligés de lui faire porter une blouse blanche  et insulter en arabe pour gagner notre sympathie ? On aurait préféré à ça que le personnage vive, et ne reste pas bloqué au stade de l’idée. Son humanité, oui, aurait suffit : Loin de la facilité du cliché, si pauvre et si réducteur de la complexité humaine…On aurait alors de quoi creuser plus profondément dans les obstacles qui la séparent du héro qui se trouve de l’autre extrémité sociale. C’est donc cet élément qui dans mon cas (processus d’identification avorté si cela se trouve), est malheureusement venu par moments décrédibiliser non seulement le film à mes yeux, mais aussi me les ouvrir sur ce que je refusais de remarquer par amour du spectacle : La mise en scène. Celle qui aurait du couler de source… Certains diront que ce personnage n’était finalement pas si décisif, si oui, alors que fait-il dans le film ? C’est dire à quel point, une fresque cinématographique est fragile, et ne supporte que très peu le superflu.

Donc oui, contrairement à mes attentes,  je suis passée à coté du sérieux, de la thématique d’un film qui se voulait construit sur un vrai propos de société : Dénoncer les réseaux de prostitution dans notre pays, la corruption, le manque d’amour propre… Pourtant on a déjà accepté, en nous laissant divertir, et en rentrant dans une salle, de ne demander que le minimum requis : Nous faisons la démarche d’accepter de jouer le jeu de la fiction en abandonnant la vraisemblance, mais l’auteur doit assumer la responsabilité de la cohérence. On arrive avec notre vécu, notre esprit, notre sincérité, et c’est avec ça qu’on arrive à participer au film ; ou pas. N’est-ce pas aussi de cela qu’un cinéaste est supposé user pour nous faire partager sont point de vue sur un réel collectif ? Un film n’étant pas une vérité, mais un humble accès.

Cela dit, je n’en retiens pas que cela (enthousiasme oblige) , le protagoniste échappait lui même de justesse au cliché du « perdant » qu’il aurait pu être, en réussissant à bénéficier d’une authenticité qu’on doit au charisme de Younes et à un jeu bien dosé… Rendant la mise en abime de « Zéro » captivante. Du coup, on se concentre sur le vrai rôle féminin du film : Grand coup de cœur donc  pour Zineb Samara, dans le rôle de Mimi la prostituée, une performance subtile, coquine et très expressive… probablement le jeu le plus bluffant de « vie » dans ce film, aux coté d’une Ouidad Elma, qui bien que brève, a fait preuve d’une sobriété à vous clouer du regard. Saïd Bey (Tatoueur fou de papillons) et Mohamed Majd (Dans le rôle du père handicapé et handicapant, qui a réussi a créer avec Bouab une relation remarquable de sincérité !) n’ont  quant à eux plus besoin de faire leurs preuves… Un pur plaisir à l’écran ! Sans oublier Dadas en commissaire meghribi bien balafré ! En gros, un vrai et beau travail d’équipe de la part des comédiens qui se sont éclairés les uns les autres, à l’image d’une troupe, et rattrapé de par leur humanité, le sens du contexte collectif qui manquait parfois au film pour nous inclure.

Et puis, le tout, pour les fans de Nour-Eddine Lakhmari, fabriqué à la lumière de ce cinéaste qui a déjà réussi à marquer son empreinte atmosphérique : Un univers sombre, un humour sarcastique, et des êtres urbains à la quête d’eux mêmes… Personnellement j’ai presque retrouvé ce plaisir là… Mais à la surface de l’épiderme, contrairement à « Casanegra »… Me faisant réaliser que c’était le personnage de la « Ville » que j’avais finalement tant aimé dans celui-ci : Lakhmari sait en capturer l’âme aussi abstraite et subjective soit-elle ! Sans doute parce qu’elle s’impose à lui ? Peut-être est-il plus difficile de laisser s’imposer à soi des personnages qu’on a inventé à l’écriture ?  Manque-t-on de distance vis à vis d’eux ? Un sujet qui mériterait à lui seul, un vrai retour sur la réalité de fabrication des films au sein de notre industrie marocaine lorsqu’il s’agit de collaboration entre les départements d’écriture et de mise en scène. Les métiers de scénariste et de réalisateur étant fondamentalement différents, à quel point peut-on être garant de la justesse lorsqu’on porte les deux casquettes ? Nos réalisateurs ont-ils vraiment envie de les porter, où y sont-ils contraints ? Puisqu’il n’est dit nulle part qu’un film d’auteur est plus digne qu’un film de collaborateurs, je ne spéculerais pas sur le cas de « Zéro » et laisse la question ouverte aux intellectuels et professionnels du domaine.

En tout cas, je n’en attends donc pas moins son prochain film, avec l’espoir violent de cette distanciation transcendante… Car lorsqu’on voit comment finissent les trilogies en général, le troisième n’étant pas forcément toujours meilleur… Sans ajouter à ça la pauvreté du débat médiatique autour de ce film qui se résume à « Est-ce trop vulgaire ou pas ? »… On risque même de s’attendre à davantage de pessimisme, de noirceur, et de violence qui gagneront en gratuité… Notre jeunesse peut-elle se permettre ce luxe ? C’est donc impardonnable à ce stade, si on veut donner une chance au dernier volet d’être plus qu’une prouesse de fabrication !

Mais bon, soyons clairs : Si vous recherchez dans ce film autre chose que l’ambition d’un film boosteur de salles, et aux qualités visuellement poétiques, rebroussez timidement le chemin. C’est un film marocain qui n’inspire pas le ridicule, vu ce dans quoi il s’est lancé. Quand bien même, on pourrait traiter certains thèmes sociaux  avec davantage de naturalisme, et de véracité… Ce film là n’a jamais prétendu à mon sens, vouloir s’inscrire dans une démarche cinématographique autre que la création d’un imaginaire de spectacle grand public. Un imaginaire qui jusque là ne consommait que des héros américains, loin de notre réalité. Nos salles, et notre cinéma ont besoin de ce genre d’initiatives, qui diversifient l’offre et y mettent les moyens pour faire leur place auprès des guichets. Qu’on adhère ou pas au résultat du Polar en soi, cela ne concerne que la subjectivité discutable de chacun d’entre nous. Il n’en reste pas moins que  Lakhmari et son producteur Redouane Bayed, ont fait en sorte que le spectateur commence aujourd’hui, à avoir le CHOIX dans la palette de production marocaine qui s’offre à lui, le choix du spectacle ! Ça mes amis, d’un point de vue complètement objectif, ça s’appelle retrouver sa dignité, et ça n’a pas de prix… Merci à toute l’équipe, de nous donner, à nous marocains, de quoi parler « Films » aujourd’hui, comme si c’était normal.

 

 

 


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